Thierry Kloos

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chef

Thierry Kloos

Aloyse Kloos
Terhulpsesteenweg, 2
1560 Hoeilaart
T: +32 (0) 2 6573737
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Interview

Successeur de son père Aloyse, Thierry Kloos poursuit la cuisine résolument saisonnière et largement dédiée aux champignons comme aux salaisons de jambon et de saumon emblématique de l’enseigne « Aloyse Kloos ».  Une belle histoire de famille et de continuité à découvrir à travers les souvenirs du nouveau maître à bord de cette vaste maison bourgeoise située en orée de forêt de la périphérie bruxelloise.

Quel est l’historique de votre maison familiale ?
Mon père l’a ouvert en 1982. Originaire du Luxembourg, il n’avait pas fait d’école hôtelière mais était venu faire son apprentissage au Métropole.  Avec son propre père, il était venu y rejoindre son oncle, qui y travaillait déjà.

Vous êtes donc devenu cuisinier par héritage ?
Lorsque je suis né mon père avait alors son propre restaurant à Ixelles qui s’appelait La Crémaillère. J’ai fait l’INFOBO, soit une fois par semaine l’école et le reste du temps, pendant 5 ans, j’étais en contrat d’apprentissage. Pendant trois ans, chez Claude Dupont d’abord et les deux dernières années, chez Michel Coppens au restaurant « Michel » à Grand-Bigard. Ensuite, je suis allé durant un an au Bijgaarden qui, comme Michel, était également une grande maison étoilée.
Je suis arrivé ici en 1992, au restaurant de mon père qui portait son nom, Aloyse Kloos. Depuis je n’ai plus quitté la maison que j’ai reprise officiellement en 2000.  

Avez-vous pensé alors changer de style de cuisine ?
Non car, comme on dit, la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. On ne change donc pas le style existant mais on y apporte une touche personnelle. A l’époque je ne voulais pas faire une cuisine totalement différente et je souhaitais garder la clientèle qui était contente et trouvait notre cuisine très bonne.  Nous avions la chance d’avoir un restaurant qui marchait bien ; il n’y avait donc aucune raison de changer quoi que ce soit.

Actuellement travaillez-vous toujours dans le même esprit ?
J’ai un peu plus fignolé, par exemple, les salaisons de jambon. J’avais 10 ans quand on a commencé à fumer nos jambons. Comme il  faut un an pour terminer un jambon, cela prend beaucoup de temps. Après trente ans on arrive à un résultat presque parfait. Mon père avait déjà fait près de 80 % du travail, moi je n’ai fait que finaliser les choses.

Quels sont vos plus grands souvenirs de cuisinier ?
C’est plutôt lorsque nous allions chez les autres ; c’est là que je voyais des plats totalement différents d’un cuisinier à l’autre. Certains travaillaient à l’ancienne, d’autres de façon plus moderne. J’ai bien aimé le restaurant de Claude Dupont qui travaillait parfaitement les classiques, la bonne pâtisserie. J’ai aussi beaucoup apprécié la cuisine de Michel Coppens qui était plus légère, plus simple et qui était très bonne aussi.

Qui cuisinait chez vous lorsque vous étiez petit ?
C’était ma mère et elle faisait quelque chose qui plaisait à tout le monde, même à mon père. C’était des frites cuites à la poêle avec du lard, des haricots et de la sauce tomate. Un plat bien paysan, bien consistant qu’un enfant aime inévitablement.

Alliez-vous déjà dans d’autres grands restaurants avec vos parents ?
Oui, quand j’ai terminé l’apprentissage mon père m’emmenait régulièrement voir ce que faisaient les autres cuisiniers. Nous sommes même allés visiter de grands restaurants et des caves de prestige en France, comme à Bordeaux où nous avons été passer quelques jours.

Que pensez-vous avoir apporté de plus personnel à votre restaurant ?
Mon père était très classique, il faisait des sauces à la crème et les montait au beurre. Il était luxembourgeois et sa cuisine était assez riche. J’ai commencé à alléger les sauces. J’ai supprimé l’ajout du beurre dans, par exemple, la préparation des écrevisses à la luxembourgeoise. Il faut comprendre que certaines choses peuvent être très bonnes mais qu’il n’est pas nécessaire de les faire de cette façon bien trop riche ; les gens ne demandent plus cela aujourd’hui, ils préfèrent des préparations plus légères.

Avez-vous un plat signature ?
J’aime associer l’Asie et l’Europe. Mes idées viennent souvent après un retour de vacances comme par exemple un croustillant de ris de veau, que l’on ne trouve pas en Thaïlande et que j’associe à un curry doux, le plus doux qui existe et qui se travaille avec des pommes de terre. C’est la sauce qui fait la différence et les clients reviennent expressément pour cela. Même si c’est à la mode actuellement, le fait d’avoir une femme thaïlandaise m’oriente naturellement vers cette cuisine.

Que préférez-vous cuisiner ?
La viande. Comme ce midi, des noisettes de porcelet avec une mousseline de pomme de terre et du jus de viande aux truffes. Et, bien sûr, les champignons que mon père qui habite maintenant en France me ramène encore régulièrement.

Vous connaissez tout sur les champignons ?
Pas tout mais je suis dedans depuis que je suis tout petit et même avant d’avoir dix ans je partais avec mon père les  ramasser dans la forêt. J’apprenais ainsi à reconnaître les bons champignons. Il m’est même arrivé de me perdre dans la forêt car mon père avançait sans s’inquiéter de moi. Il savait qu’à force d’y aller tout le temps, l’instinct, le sens de l’orientation se développent et l’on arrive toujours à se repérer comme à reconnaitre tous les champignons comestibles.

Quelle est la place du vrai « fait maison » dans nos cuisines d’aujourd’hui ?
Il y a beaucoup de choses que l’on ne fait même plus, que l’on va acheter toute faites .Cela permet de gagner en personnel, en temps. Ce n’est pas mon cas, je préfère encore faire beaucoup moi-même comme les garnitures, la confiture d’oignon qui accompagne le foie gras, les biscuits avec pâte sablée ou feuilletée. Cela va peut-être disparaître d’autant que j’ai entendu dire que bientôt cela ne sera plus possible car les normes d’hygiène voudront que ces mignardises soient emballées. Ainsi, cela profitera encore à la grande distribution et tout le monde mangera la même chose. C’est vraiment dommage.

Quand et pourquoi êtes-vous entré dans l’Association des Maîtres Cuisiniers ?
C’est mon père qui en pensant qu’il allait arrêter le métier m’a dit que ce serait bien que j’y entre. C’était un peu dans la tradition familiale, dans la logique, que je sois à mon tour Maître Cuisinier. J’ai donc rejoint l’association vers 2011.

Qu’est- ce que cela vous a apporté ?
Beaucoup de plaisir de retrouver les anciens, un peu moins actifs mais toujours là quand il le faut. C’est important pour moi de se remettre les choses en mémoire, cela rappelle de bons souvenirs et d’où viennent les choses. Par contre, je suis un timide, je n’ai pas la prétention de savoir, je suis plutôt observateur. Cela apporte toujours quelque chose de qualitatif d’être membre de l’association. C’est une façon de montrer une certaine continuité dans notre métier, tout en étant différents de nos prédécesseurs.
Question plus personnelle encore, vous feriez des kilomètres pour manger quoi ?
Ce que j’aime par-dessus tout, c’est les fraises. De temps en temps on tombe encore sur un ravier qui est bon à manger, avec des fraises sur lesquelles il ne faut même pas de sucre. Je connais un endroit qui produit plein de produits saisonniers comme les fraises mais il faut y aller régulièrement car les productions ne sont pas de très grandes quantités. C’est sur la route d’Ottignies ; je vous en donnerai volontiers l’adresse.

Et que n’aimez-vous vraiment pas ?
Tout ce qui est amer, comme les chicons. S’ils sont dans une sauce caramélisés, ça passe encore.

Quel chef admirez-vous le plus ?
J’aime bien les anciens qui font toujours un très bon plat avec ce qu’on leur donne. Ils sont plus diversifiés dans la connaissance et mes deux préférés étaient Claude Dupont et Michel Coppens chez lesquels j’ai travaillé.

Enfin, pour qui rêveriez-vous de cuisiner ?
Il faut que ce soit pour quelqu’un qui apprécie la cuisine. J’aimerais cuisiner pour faire plaisir dans un esprit de retour aux sources, de retrouver certains goûts, certains parfums disparus. Ne pas faire quelque chose de prétentieux mais un bon plat qui donne à manger, qui met quelque chose de consistant dans l’assiette de sorte que la personne n’aura pas faim en quittant la table. J’aime la cuisine généreuse.

Interview :  Joëlle Rochette – Traduction : Marc Declercq