Eric Fernez

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chef

Eric Fernez

D’Eugénie à Emilie
Place de la Résistance, 1
7331 Baudour
T: +32(0)65 61 01 70
À propos de

Entré en mai 2019 dans l’Association, Eric Fernez est loin d’être un nouveau venu dans le paysage gastronomique Belge. Et pour cause ; alors qu’il orchestre depuis de longues années déjà son restaurant initial « D’Eugénie à Emilie » à Baudour (Province du Hainaut), c’est en 2018,  qu’il devient Chef de l’Année au Gault&Millau Belux. La même année, il est honoré d’une seconde étoile au Michelin et, après avoir rejoint les Maîtres Cuisiniers de Belgique, devient ainsi l’un des chefs les plus emblématiques du pays.

Aujourd’hui, Eric Fernez est à la tête d’une véritable petite entreprise familiale puisqu’il a également créé deux autres restaurants à la cuisine plus simple et de type brasserie : Le Faitout, coordonné par sa fille Emilie et La Marelle, où son beau-fils est à la barre de la salle.

Et si pour Eric Fernez « Le goût n’est pas dans la sophistication » ... voyons donc où il le déniche et découvrons, par la même occasion, les multiples facettes de ce grand cuisinier wallon !

Interview

Pourquoi avez-vous choisi de devenir cuisinier et quels sont les moments les plus importants de votre carrière ?

D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais pensé à pratiquer un autre métier. Depuis tout petit, rien d’autre ne m’est venu à l’idée. Je pense même que je ne pourrais pas être autre chose que cuisinier ! Quant aux moments les plus importants de ma carrière, ils sont pour moi, à la fois dans ma vie privée et à la fois dans ma vie professionnelle. Sur le plan personnel, c’est la naissance de ma fille Emilie et au niveau professionnel, c’est l’arrivée de la première étoile !

Pourquoi avez-vous décidé d’entrer dans l’Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique ?

J’ai été contacté à cet effet par le Président, Frank Fol. Et j’ai été soutenu, voire parrainé, par deux autres Maîtres Cuisiniers de la région : Luc Broutard (La Table du Boucher) et  Didier Bernard (Les Gourmands). Ce qui m’a motivé ? Le partenariat avec d’autres chefs, la synergie avec les collègues.

Qu’est-ce qu’une telle adhésion va vous apporter ?

Le plus pour moi ? On espère toujours des retombées vers les clients. En avoir de nouveaux, mieux se faire connaître de ceux qui ne connaissent pas encore nos adresses.  Mais aussi, c’est avant tout et à mon sens, une reconnaissance des collègues et du métier en général. C’est cet aspect qui, pour moi, compte plus encore que le reste.

Défendez-vous des valeurs communes avec l’Association des MC ? Si oui lesquelles ?

Mes valeurs, ma force même, ont toujours été la qualité des produits, le respect de leur goût avant tout.  Mais il faut aussi, et c’est tout aussi impératif, de la rigueur dans la façon de se comporter, la façon de travailler. Ce sont là des valeurs évidentes et logiques qui nous sont bien entendu communes.

Vous qui avez une fille et un beau-fils qui vous emboîtent le pas, quelle est l’importance de la transmission de ce métier ?

C’est un métier, on le sait tous, très difficile et parfois même peu enviable.

Maintenir le vrai métier de restaurateur – c’est à dire faire de la vraie cuisine et ne surtout pas acheter des produits semi-finis - c’est très important. Chez nous, l’info, cette notion primordiale des métiers de la restauration, est bien passée. Et je peux dire que je suis très fier de ma fille et du travail  qu’elle assume.

Aujourd’hui, estimez-vous avoir atteint le sommet de votre carrière avec le prestigieux titre de Chef de l’Année au Gault&Millau 2018 (17,5/20) et la tout aussi prestigieuse deuxième étoile au Michelin ? Ou avez-vous encore un rêve secret ou un projet insolite à réaliser ?

Moi, arrivé au sommet ? Pas du tout ! J’ai plutôt tendance à dire que l’on reste apprenti toute sa vie de restaurateur ; on a toujours à apprendre. Je pense que je vis cela au quotidien et la remise en question, pour moi, est permanente. De façon générale, la modestie est très importante.

D’après vous, sans alarmisme mais avec conscience et réalisme, où est l’avenir de l’entreprenariat en restauration ?

L’avenir, je le vois très compliqué. Il faut être un grand passionné pour évoluer dans la conjoncture économique et politique actuelle. Pour continuer à vouloir entreprendre dans la restauration, si l’on n’est pas passionné, ce n’est pas la peine de commencer. Ainsi je préfère dire aux jeunes restaurateurs qui veulent se lancer : restez petits ; travaillez à deux en couple et avec peu de personnel. Ainsi ils ne seront pas atteints par tout ce qui est compliqué dans l’exploitation d’une entreprise. Ils auront plus de chance d’être à l’abri de la pollution économique du pays. A mon sens, le carriérisme bouffe tout chez des gens qui ont, au départ, de bonnes intentions. Je le vois tous les jours et c’est vraiment déplorable !

Militez-vous, à travers votre travail, votre entreprise pour une certaine sauvegarde de notre patrimoine, à la fois culinaire mais aussi, environnemental ? Et si oui, en quoi et comment ?

Oui bien sûr, mais je trouve que l’on manque de poids face au phénomène de la malbouffe. On est minoritaires face à ce phénomène récurrent. Il y a des démarches qui motivent les gens à manger des légumes, à connaitre les provenances, à être vigilant à la sauvegarde de l’environnement. Ce sont de très belles démarches mais malheureusement, on est encore bien loin de l’aboutissement.

Question plus « personnelle », mais rassurez-vous, non indiscrète ! Vous avez la possibilité de cuisiner pour un personnage illustre, une personne qui vous est chère ou un simple client anonyme. Qui choisissez-vous et que cuisineriez-vous pour cette personne ?

Je dirais tout de suite Gérard Depardieu. Parce qu’il est le personnage archétype de l’épicurien et est à la fois talentueux et il excelle dans son métier. J’ai un jour reçu une réservation à son nom à D’Eugénie à Emilie mais elle a été annulée. C’est dommage mais il y aura peut-être un jour une autre occasion de le voir s’attabler chez nous. Je lui ferais un beau poulet de Bresse rôti !

Et si l’on vous invitait, personnellement, pour un dîner qui vous fasse vraiment plaisir. Avec qui aimeriez-vous vous  attabler et où ? Avez-vous, peut-être, le souvenir d’un repas mémorable avec une personne qui vous a marqué ?

A l’Elysée avec Macron ! Même si j’aurais préféré Chirac ou Mitterrand !

Mon dernier excellent souvenir remonte à 2018, à Paris. C’était à l’occasion de la rencontre annuelle de l’Union des Crus Classés de Graves de Bordeaux. Et c’est le Chef de l’Elysée qui avait fait le repas ! Cela a été, pour moi, une grande leçon de cuisine (à l’ancienne) et d’humilité. Guillaume Gomez est exceptionnel, c’est vraiment un tout grand. J’ai eu l’occasion de parler avec lui de ses plats et j’en garde un souvenir vraiment excellent. Cette année, à l’occasion de ce même repas, je vais certainement le revoir et je m’e réjouis déjà !

Quelles sont vos sources d’inspiration, un maître à « penser/cuisinier », un autre chef « grand ou petit » que vous admirez ?

Trois chefs français, malheureusement disparus, m’ont toujours inspiré. Bernard Loiseau est la personne qui m’a le plus laissé d’empreintes. Paul Bocuse et Jean Ducloux (chef-propriétaire de chez Greuze à Tournus) continuent à m’inspirer.

Quel est le produit, l’ingrédient que vous préférez cuisiner ?

Le porc – sous toutes ses formes et partie : boudin, jambon, langue, carré, ...

Quel est le plat « mémoire » de votre enfance ? Et votre plat « signature » ?

Un Chateaubriand béarnaise. C’était le plat préféré de mon grand-père, le mari d’Eugénie. Je me souviens d’ailleurs très bien que c‘est avec lui qu’à 7 ans, j’ai découvert ce plat dans une auberge étoilée. Et depuis j’en garde un souvenir époustouflant, un très grand souvenir ! Je m’en souviens comme si c’était hier. Et mon plat « signature » si je peux dire, ou en tous cas celui que tout le monde me réclame, c’est La sole Fernand Point. Tout le monde l’adore !

Qu’est-ce que l’on ne vous fera jamais avaler ? Des couleuvres, assurément, mais encore ?

Des insectes, quel qu’ils soient ! Mais aussi du hareng, sous toutes ses formes (rollmops, cru, fumé).

A contrario : vous vous damneriez ou vous feriez des kilomètres pour … ?

Plusieurs produits quand même ...  pour un poulet à la broche ; un vrai de chez Bocuse ! Pour de la saucisse ou du cassoulet du sud-ouest ; pour un turbot mousseline. Le turbot mousseline, j’en fais à la maison, on est au top avec ce plat mais je prends plein de plaisir à aller le manger ailleurs. A Bruxelles, à La Belle Maraichère, par exemple. Mais le plus beau, c’était celui de Pierre Romeyer avec pommes de terre nature, tournées et cuites à l’anglaise, sauce mousseline. Un plat que j’avais pris chez Pierre Romeyer en ... deuxième entrée, il y a ... 34 ans ! Je me souviens aussi de sa truffe en papillote, de son perdreau ... ! Ceci dit, je me rappelle de tout ce que j’ai mangé chez les grands chefs où je suis allé en Belgique, en France, ... j’ai la mémoire des plats.

En privé, qui cuisine chez vous, à la maison ?

50/50 avec ma femme. Mais quand c’est elle qui cuisine, si je veux intervenir ça ne lui plait pas du tout !

En général, vous préférez vous attabler dans un restaurant gastronomique, un bistrot/bouchon, un restaurant de cuisine étrangère, une brasserie ?

J’ai une préférence pour les bistrots et la cuisine classique traditionnelle.

Quel est le dernier « meilleur » repas que vous avez fait ?

Pour la précision et la grandeur des produits, c’était en 2018, chez Arnaud Donckele à St-Tropez. Ce repas a été féérique, je n’ai plus mangé si grand depuis l’année passée ! En Belgique, j’ai aussi beaucoup apprécié Little Paris à Waterloo. Un repas magnifique ! Et là, dans quelques jours je pars en France en vacances où j’ai bien l’intention, comme chaque année, de faire un petit crochet gastronomique par quelques belles maisons. Je laisse alors ma famille rentrer et je vais de mon côté m’attabler chez l’un ou l’autre grand chef que j’ai repéré avant mon départ. J’adore aller seul au restaurant ! J’ai fait ça toute ma vie !

Quel regard portez-vous sur votre carrière et surtout sur vos réussites et autres reconnaissances reçues singulièrement assez tard dans votre vie professionnelle ?

Je pense que je suis autant fier qu’inquiet. Inquiet car tout cela arrive tard. Je travaille beaucoup mais je fatigue aussi d’où le dilemme : je continue à foncer ou je freine ?! Mais on parle beaucoup de nous et, au final, je pense que ce n’est pas le moment de freiner. Et même si je suis parfois un peu inquiet, tout est sous contrôle. Donc : pas question de m’arrêter en si bon chemin !